Bellarej, le « chahid » algérien


Rédigé par le Mardi 16 Mai 2023



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Il s’appelait « Bellarej » et aurait été un « feddayin » et un « chahid » algérien (même si le récit à son sujet laisse penser qu’il serait, depuis la fin de la guerre d’Algérie, mort de vieillesse plutôt que d’une balle dans le bec).

En fait, « Bellarej » n’est pas un pseudo, il s’agit bel et bien d’une cigogne ! Vous avez envie de vous esclaffer ? Vous avez, pourtant, tort ! C’est Abdelmajid Chikhi, conseiller auprès de la présidence algérienne chargé des archives et de la mémoire lui-même qui a raconté cette histoire.

Mieux encore, Abdelmajid Chikhi aurait gardé une photographie du combattant pour la liberté « Bellarej » sur son téléphone portable ! Le haut commis de l’Etat algérien ne l’a pas montré, mais c’est pour éviter que les Français ne cherchent à se venger de la dépouille du brave « Bellarej ».

Quoi ? Les cellulaires n’existaient pas encore à cette époque ?

Si vous dîtes cela, c’est que vous êtes un réactionnaire pro-colonialiste qui n’a aucun respect pour le million et demi de « chouhadas » algériens (ce chiffre étant variable au gré de l’humeur des squatteurs à Al Mouradia).

Écoutez plutôt le récit épique de « Bellarej », cigogne sans peur sans reproche, parti à l’assaut du pavillon bleu-blanc-rouge qui a flotté sur l’Algérie pendant 132 ans, tel que narré par Abdelmajid Chikhi sur une chaîne de télévision algérienne (Youtube m’en est témoin).

Il fut une fois une cigogne, appelé « Bellarej » dans le patois des autochtones, qui avait élu domicile sur un toit quelque part au dessus d’une caserne en Algérie française.

Outré de voir le drapeau républicain des Francs croisés remplacer celui du Califat ottoman, après que le Dey turc leur a remis les clés d’Alger pour pouvoir déguerpir indemne avec femmes, enfants, esclaves et bagages, « Bellarej » s’est dit qu’il n’était pas question de se mettre à appeler les « Kouloughlis » des « Harkis ».

Il est vrai qu’il s’agit de dénominations qui désignent une même soumission aux conquérants étrangers, qu’ils soient Turcs ou Français, mais « Bellarej » a quand même estimé que le fanion français avait plus de couleur que celui de la Sublime Porte pour égayer son nid.

« Bellarej » prit, donc, son courage de ses deux ailes et s’en alla chaparder le drapeau tricolore flottant au dessus de la caserne. Mal lui en a pris !

Les soldats français présents au moment des faits ont alors pris la décision d’adopter la stratégie dévastatrice de Napoléon contre la cigogne entrée en rébellion, visant sa longue patte pour la mutiler plutôt que de chercher tout simplement à la tuer. La cruauté légendaire des Francs barbares…

On s’imagine le temps et les munitions qu’il a fallu à ses méchants soldats pour parvenir à atteindre « Bellarej » haut perché exactement à sa patte.

Mais trêve de détails inutiles, l’essentiel est que Bellarej aurait été présenté, selon le récit d’Abdelmajid Chikhi, devant une commission militaire pour que son cas y soit examiné.

La cigogne ne sachant, par nature, ni chanter, ni crier, les officiers français chargés du jugement de « Bellarej » ont dû se sentir particulièrement vexés d’entendre répondre à leurs précises questions par des craquètements, qu’ils ont dû prendre pour l’expression d’une obstination.

« Bellarej » se serait ainsi fait condamner à la prison à perpétuité et jeté en prison en compagnie des autres fédayins algériens (on suppose que la plupart de ses codétenus étaient des humains).

C’est ainsi que s’achève la brève mais ô combien  édifiante histoire de l’héroïque « Bellarej », le courageux « fedayin » et « chahid » algérien, telle que narrée par Abdelmajid Chikhi (véridique !).

« Bellarej » aurait-il été trop téméraire lorsqu’il a cherché à rendre son nid plus confortable en le couvrant du drapeau bleu-blanc-rouge (peut-être qu’il s’apprêtait à convoler en juste noces) ?

S’attendait-il à se faire estropier par les cruels soldats français, puis jugé et condamné par des humains, pour se retrouver en cage avec d’autres humains ? Imaginez le martyre de ce pauvre volatile !

Les historiens des générations futures auront beaucoup à creuser à ce sujet, ne serait-ce que pour le devoir de mémoire envers les « chouhadas » algériens, marchant à pieds ou battant des ailes pour voler (des rumeurs sur des fedayins reptiliens rampants restant à confirmer).

Les générations actuelles doivent rendre hommage à Abdelmajid Chikhi, conseiller de son Excellence le président de la République d’Algérie, non seulement pour avoir porté témoignage du martyre de « Bellarej », dit « le téméraire » (membre de la Katiba des cigognes sous le commandement de la Wilaya des oiseaux), mais aussi et surtout pour avoir pris une photo de l’auguste « Bellarej » avec son téléphone portable, à une époque ou cet instrument de communication n’avait toujours pas été inventé !

Au Maroc, mêmes les derniers-nés qualifieraient l’histoire de la cigogne d’Abdelmajid Chikhi de « sloughia » (un lévrier, pour signifier un mensonge flagrant). A l’Est de l’Oued Isly, cependant, un « lévrier » peut battre des ailes sur une chaîne de télévision officielle.

« Nous voulons juste que le monde sache qui sont nos voisins » (Feu Hassan II).




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Mardi 16 Mai 2023
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